Manifeste du peuple Algérien :
Le manifeste Algérien a été rédigé
le 10 février 1943 par Ferhat Abbas , qui réclame en premier lieu
« la condamnation et l’abolition de la colonisation »
.
( Ferhat Abbas , un homme d'État et leader nationaliste algérien. Fondateur du parti Union démocratique du manifeste algérien (UDMA), membre du Front de libération nationale (FLN) durant la guerre d'indépendance de l'Algérie et premier président du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) de 1958 à 1961, il est élu à l'indépendance du pays, président de l'Assemblée nationale constituante devenant ainsi le premier chef d'État de la République algérienne démocratique et populaire. )
Le manifeste Algérien a en effet créé trois groupes : Les juifs , naturalisés en 1870 , sont citoyens français ( attaché à la dénonciation de la situation coloniale , Ferhat Abbas ne tient pas compte de l’abolition du décret Crémieux par le régime de Vichy ) , ainsi que les Européens nés en Algérie , à partir de 1889 ; les « indigènes musulmans sujets français » , eux , relèvent d’un statut personnel qui leur permet de garder leurs coutumes successorales et matrimoniales , comme la polygamie , mais leur citoyenneté est limitée : ils ne votent et ne sont éligibles qu’aux conseils municipaux et généraux , par exemple. Pour devenir pleinement citoyen , ils doivent abandonner leur statut personnel pour se soumettre au Code civil. Ferhat Abbas a combattu cette inégalité dès les années 1920 , dans le mouvement des Jeunes Algériens . Partisan d’une assimilation de l’Algérie à la France , il demandait l’application des principes républicains aux « indigènes » , en particulier l’égalité des droits avec la possibilité d’être citoyen sans renoncer au statut personnel.
En 1943 , Ferhat Abbas veut profiter du contexte créé par le débarquement anglo-américain du 8 novembre précèdent. Depuis , l’Algérie a été le théâtre d’une « course au pouvoir » entre l’amiral Darlan et le général de Gaulle , qui se disputent la caution des Américains et l’autorité sur le territoire algérien . Ferhat Abbas, lui , a rencontré l’envoyé du Président Roosevelt à Alger , Robert Murphy , et se réclame de la « déclaration » du Président qui, depuis la Charte de l’Atlantique en 1941 , défend le principe de relations librement consenties entre les pays et donc le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». La guerre lui permet également d’exiger la satisfaction de ses revendications contre faction de ses revendications contre « l’entière et sincère adhésion » des Algériens à « la lutte pour le triomphe du droit et de la liberté ». Il ne s’agit pas d’une menace, car la propagande allemande , qui encourage les Maghrébins à affaiblir la France, a rencontré peu d’écho. En fait , Ferhat Abbas veut éviter les « déceptions » de la Grande Guerre : en 1919 le corps électoral a été élargi à 43% des hommes de plus de vingt-cinq ans et le nombre des conseillers municipaux et généraux augmenté, mais , au grand dam des Jeunes Algériens , l’abandon du statut personnel était resté indispensable pour accéder à une pleine citoyenneté.
Ici , cependant , Ferhat Abbas rompt avec l’assimilation en demandant une « Constitution propre » et un « gouvernement » , soit une Algérie fédérée à la France, sur le modèle du formé à l’école français reste imprégné des principes de la IIIe République –« liberté de presse et d’association » , « instruction gratuite et obligatoire pour les enfants des deux sexes », « liberté de culte » -mais il trouve aussi le soutien des Oulémas et du Parti du peuple algérien (PPA) .
Les premiers – les docteurs de la foi, en arabe – étaient dirigés dans les années 1930 par Abdelhamid Ben Badis , à gauche , et Tayeb Al-Uqbi, à droite (leurs noms sont inscrits en arabe au-dessus d’eux). Sans être indépendantistes, ils se battent pour la reconnaissance de l’identité algérienne traditionnelle – leurs costumes en témoignent – avec leur devise : « l’islam est ma religion ; l’arabe est ma langue : l’Algérie est ma patrie ». La revendication de « la langue arabe comme langue officielle » les satisfait. De son côté , le PPA , héritier de l’Etoile-nord-africaine fondée en 1926 par Messali Hadj , indépendantiste , juge le texte trop modéré. « La libération de tous les condamnés et internés politiques » le concerne cependant car Messali Hadj lui-même a été condamné à seize ans de travaux forcés en 1941. Libéré en avril 1943 , il a influencé Ferhat Abbas dans la rédaction d’un second texte , court et plus radical , présenté comme un Additif au Manifeste.
Pour Ferhat Abbas , déçu par l’absence de réformes après la remise du Manifeste de réformes après la remise du Manifeste aux autorités , notamment au général de Gaulle , l’ordonnance du 7 mars 1944 arriva trop tard. Rallié au FLN en 1956 avant de diriger le GPRA de 1958 à 1961 , il symbolise une tendance modérée, radicalisée par l’incapacité de la France à répondre aux aspirations égalitaires des Algériens.
Comité Français de libération nationale :
Henri
Giraud et Charles de Gaulle à la conférence de Casablanca.
Le Comité français de Libération nationale (CFLN) est l'organisme gouvernemental par lequel
s'est effectuée, en juin 1943, la fusion des deux autorités françaises
participant à la guerre avec les Alliés : le Comité national français de
Londres, dirigé par le général de Gaulle, chef de la France libre, et le
Commandement en chef français civil et militaire d'Alger, dirigé par le général
Giraud, afin d'unifier l'effort de guerre français et de préparer la
Libération. Le CFLN laisse la place le 3
juin 1944 au Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Le Comité français de la Libération
nationale a été co-présidé par Charles de Gaulle et Henri Giraud. Le Comité a
également compté les futurs Premiers ministres et Présidents du Conseil René
Pleven, Pierre Mendès France et Maurice Couve de Murville.
Lorsque le 30 mai 1943, de Gaulle arrive à Alger, dans le
secret le plus absolu, il n’est accompagné que d’une délégation réduite du
Comité National de Londres. Il dispose cependant sur place d’un service de
protection composé de quelques Français libres, anciens volontaires du 8
novembre 1942. Il est dirigé par le capitaine Roger Carcassonne, ancien chef de
la résistance à Oran et le sous-lieutenant Bernard Karsenty, ancien adjoint de
José Aboulker lors du putsch du 8 novembre 1942.
Ainsi de Gaulle parait-il bien seul, face au général Giraud
disposant de l'appareil militaire, administratif et policier de la France en
Afrique du Nord ainsi que du soutien des États-Unis.
Après avoir été reçu par Giraud, de Gaulle brise le secret
de sa venue, en allant s’incliner au monument aux morts, en plein centre
d’Alger. Il est accueilli au Forum par une manifestation gaulliste chaleureuse.
C'est sa première vraie manifestation de masse. Un observateur, le vice-consul
des États-Unis, Pendar, le compare à Hitler. Cette comparaison surprenante
confirme du moins l'ampleur de la manifestation et l'opinion des Américains.
Enfin, à son retour à la Villa des Glycines, demeure que Giraud lui a
attribuée, de Gaulle y trouve les messages de quelques personnalités locales
qui lui font allégeance.
Le matin du 31 mai se tient la première réunion de travail.
Y participent Giraud, accompagné du général Georges et de Jean Monnet, et de
Gaulle escorté d'André Philip et de l'ambassadeur René Massigli (tard rallié à
la France libre, mais pressé, à en croire le général Bouscat, de devenir
ministre des Affaires Étrangères). Le septième participant est le général
Catroux, qui représentait de Gaulle à Alger.
Les conditions de fusion posées par de Gaulle ne sont pas
nouvelles. Il demande en effet d'emblée à Giraud la constitution d'un véritable
gouvernement français capable de défendre les intérêts de la France dans le
camp allié, ce pourquoi, il faudrait:
que Giraud renonce à cumuler le commandement en chef
militaire et la présidence du pouvoir civil;
que soient immédiatement congédiés les proconsuls vichystes
Giraud refuse de déférer à la première proposition, car
selon lui, il faut disposer d’un chef unique, civil et militaire responsable.
Il se refuse également à sacrifier Noguès, Peyrouton et Boisson. En outre, il
semblerait qu'il se soit vanté d’avoir personnellement décidé de l’exécution de
Bonnier de La Chapelle. Le chef de la France libre se lève alors et quitte la
salle sans un mot.
Une nouvelle entrevue, entre les 2 hommes seuls, a lieu,
l’après-midi du même jour. De Gaulle y accepte le cumul provisoire par Giraud
du commandement militaire et de la présidence, mais à condition que les chefs
de territoires compromis soient immédiatement démis. Giraud refuse, bien que
les évènements évoluent en sa défaveur. En effet, ses soldats continuent à
rallier les Forces françaises libres; certains des combattants les plus motivés
de son armée n’ont plus envie de se faire commander par des officiers qui ont
tiré sur les alliés et qui les exhortent à combattre « pour délivrer le
Maréchal ». Giraud, au lieu de voir la réalité en face, va se plaindre aux
Américains qui vont éloigner les FFL de
Tunisie.
Quoi qu'il en soit, de Gaulle se comporte en maître, et
donne dès le 1er juin, une conférence de presse à la villa des Glycines. Il y
reçoit, outre les journalistes étrangers, leurs collègues français, qui ont
fait silence sur sa venue. Après avoir ironisé sur leur comportement peu
professionnel, le général de Gaulle leur expose qu'il est venu à Alger pour
constituer avec Giraud un pouvoir central français avec attributions
gouvernementales, jusqu’à ce que l’ensemble des Français aient pu être
consultés. Il poursuit en déclarant que les sacrifices nécessaires ne peuvent
être exigés des Français que par des hommes dignes de les commander, que la
base de l'unification est la souveraineté française intégrale sur toutes les
parties de l'Empire (Nos amis ont d'ailleurs plus intérêt à traiter avec des
Français droits qu'avec des personnes courbées) et, enfin, que les actes du nouveau
pouvoir central devront concorder étroitement avec l'opinion de la France
occupée.
Si le chef de la France combattante exige le châtiment des
proconsuls, il a le pardon plus facile envers Alphonse Juin, qui a résolument
changé de camp, après avoir initialement fait tirer sur les alliés, et dont la
conduite, au cours de la campagne de Tunisie, a été appréciée. De Gaulle
adresse donc à Juin, son ancien camarade de promotion, une lettre amicale et
flatteuse. Elle atteint son objectif qui est de désolidariser Juin de Giraud.
Il reçoit en outre, le soir même, la démission de Peyrouton,
gouverneur général de l’Algérie, et ancien ministre de Pétain, qu’il a incité à
adopter les pires lois d’exclusion. Peyrouton déclare vouloir ainsi faciliter
l'union des Français et demande à de Gaulle, en tant que « président du Comité
exécutif », à servir en qualité de capitaine d'Infanterie Coloniale.
De Gaulle accepte immédiatement cette démission, en invitant
Peyrouton à se mettre à la disposition du commandant en chef des FFL au Levant (Catroux), et se hâte de communiquer
à la presse le texte des deux lettres. Peyrouton, averti, vers minuit, de la
publicité donnée à sa missive, fait porter une lettre identique à Giraud, auquel
elle parvient à 1 heure du matin. Giraud, s'estimant alors menacé par de
Gaulle, ordonne à Peyrouton de rester à son poste.
Giraud, juste avant l’arrivée à Alger du chef de la France
Combattante, avait nommé aux postes clés de la police et de l’information, deux
des ennemis personnels de ce dernier : André Labarthe, ancien directeur d’un
journal patriotique à Londres, et l’amiral Muselier, résistant incontestable,
qui avait fondé les Forces navales françaises libres, et libéré au nom de la
France libre, la colonie de Saint-Pierre-et-Miquelon.
André Labarthe, directeur de l’Information, fit retenir les
comptes-rendus de presse relatifs aux 2 premières lettres de Peyrouton. Quant à
Muselier, nouveau chef de la police, il se présenta le 2 juin, à la première
heure, chez Catroux, muni d’une décision le chargeant du maintien de l'ordre,
en qualité de chef des forces militaires et de police. Il déclara que le Palais
d'Eté était visé par une conjuration des gaullistes d'Alger.
Catroux répondit que, si putsch il y avait, il ne viendrait
pas des gaullistes. Et de fait, la plupart des volontaires du 8 novembre étant
aux armées, seuls séjournaient à Alger quelques Français libres en permission
et désarmés, ainsi que le service de protection du Général. Face à ces faibles
forces, Muselier n'en fit pas moins venir à Alger un régiment de Sénégalais et
un régiment de Chasseurs d'Afrique. Il fit occuper toutes les issues de la
ville, ainsi que les aéroports voisins, par des unités de spahis, d'aviation et
de gendarmerie.
Simultanément, Giraud adressa un ultimatum à de Gaulle: Oui
ou non désirait-il un accord ? De Gaulle était accusé de vouloir chasser des
hommes dignes de confiance, pour établir la dictature des cagoulards de son
entourage, et de vouloir porter atteinte aux alliances françaises. Tout
semblait donc bien indiquer que c'était en réalité contre les gaullistes qu'un
putsch se préparait. De leur côté, certains officiers de l'entourage de Giraud
hostiles à l'union des deux généraux, auraient envisagé soit d'arrêter de
Gaulle, soit de l'obliger à se réfugier en A.E.F
(sous prétexte que sa présence à Alger risquait de créer des troubles
susceptibles de mettre en danger les lignes de communications alliées).
C'est alors qu'intervinrent Carcassonne et Billotte. Avertis
par un officier de l'état-major de Giraud, scandalisé, ils gagnèrent les
colonels intéressés, Sémideï, dit Servais et Van Hecke. Dans la soirée du 2
juin, c'est donc de Gaulle, qui finalement se trouva en position de force à
Alger, et adressa à son tour un ultimatum invitant Giraud à rompre ou aboutir.
Mais Giraud, condamné à aboutir par les Américains, dont, selon Pendar, il
aurait reçu des « instructions », ne pouvait rompre, comme l’auraient voulu les
membres de son entourage.
Le soir même, c’est Noguès qui suit l'exemple de Peyrouton,
et démissionne à son tour.
Le 3 juin à 10h, les sept se trouvent face à face et de
Gaulle propose les textes d'une ordonnance et d'une déclaration créant le
nouvel organe de gouvernement. L'un et l'autre sont adoptés.
En conséquence, un pouvoir central français unique exercera:
La souveraineté française (les deux pouvoirs, législatif et
exécutif);
La gestion et la défense de tous les intérêts français dans
le monde;
L'autorité sur tous les territoires et forces relevant des deux
entités fusionnées.
Les prérogatives diplomatiques (exercées simultanément par
les deux co-présidents)
Ce pouvoir central durera jusqu'au jour où, après la
libération, il sera possible, conformément aux lois de la République, de
remettre le pouvoir à un gouvernement provisoire.
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Les chefs de territoires sont remplacés, après que de Gaulle
a redemandé leur départ, et Giraud tenté de défendre le cas de Boisson :
L’ambassadeur Gabriel Puaux, qui, en 1940, avait pris position contre
l'armistice, est nommé résident général au Maroc; Catroux devient gouverneur
général de l'Algérie, à la place de Peyrouton; Jean Helleu, ambassadeur rallié
à la France libre, en août 1940, devient délégué général au Levant; En Tunisie,
le général vichyste Prioux, proposé par Giraud, est écarté, tandis que Charles
Mast est immédiatement accepté, Quant à Boisson, il attendra à son poste qu'on
vienne le relever. Mais le 18 juin, allant déposer une gerbe au monument aux
morts, il se fera huer, réprimera la manifestation, et, le 19 juin,
démissionnera à son tour.
L'unité réalisée dans les textes n'est pas encore réalisée.
Les deux autorités, territoires et armées, sont plutôt juxtaposées que
fusionnées, et la dyarchie instituée interdit toute décision importante sur le
choix d'une ligne politique. Ainsi les troupes d'A.F.N.
restent-elles sous la seule autorité du général Giraud, lui-même subordonné du
commandant en chef allié Eisenhower. Ainsi l'un des Dyarques est-il subordonné
à une autorité étrangère
Une volonté commune du Comité dépassant les clivages de
départ va cependant commencer à apparaître, et cette tendance va être
encouragée par l’institution, le 3 juin, d'un secrétariat du C.F.L.N. confié à Louis Joxe, membre du mouvement
Combat, qui prend comme adjoints Edgar Faure et Raymond Offroy.
Les progrès des gaullistes dans l’opinion :
Le 4 juin, en qualité de co-président du C.F.L.N., de Gaulle va faire un discours à
Radio-Alger, dont les gaullistes prennent le contrôle. Une nouvelle
manifestation de masse intervient au cinéma Majestic, le 6 juin, et le nombre
accru des manifestants indique que d'anciens pétainistes ont connu leur chemin
de Damas. Certaines accusations de totalitarisme sont alors formulées contre de
Gaulle: mais ne sont guère prises au sérieux, venant de la part des anciens
partisans de Darlan.
Le 3 juin 1944 le Comité français de la Libération nationale
(CFLN) devient le gouvernement provisoire de
la République française (GPRF). Tous sont
conscients de la nécessité d'un pouvoir central qui gouverne effectivement, et
de l'indispensable rupture avec Vichy. Comme ils n'ont pas participé aux heurts
initiaux, leur désir de servir va primer leurs autres considérations.
Mais le C.F.L.N connait
plusieurs dysfonctionnements . Le CFLN à
deux têtes a souffert dès l’origine de divers dysfonctionnements, dont l'un
était sa paralysie du fait de la présence à sa tête de deux présidents en
désaccord quasi permanents, et l’autre l’immixtion permanente des autorités
alliées dans son fonctionnement interne, par l’intermédiaire de Giraud.
Il y a donc une paralysie interne initiale du C.F.L.N avec les désaccords initiaux
suivants :
Le 8 juin, Georges tente de faire rattacher les F.F.L. à l’armée de Giraud, qui n’a pas renoncé à
sa fonction présidentielle. Mais sa proposition est repoussée par la majorité
des commissaires.
Catroux propose de confier à de Gaulle la Défense nationale,
Giraud recevant le commandement de l'ensemble des forces françaises (Sa
proposition est repoussée par les seuls Georges et Giraud).
De Gaulle propose la création d'un Comité militaire, et
l'abandon par Giraud de sa présidence lorsqu'il exercera commandement en
campagne. (Repoussé par Giraud et Georges).
Ensuite il y un retrait tactique de Charles de Gaulle . Le soir du 9 juin, de Gaulle adresse aux
commissaires une lettre dénonçant la paralysie du Comité et décide de s’en
retirer. Giraud essaie alors, le 10 juin, de prendre la direction du Comité,
mais on lui objecte que rien ne peut être fait sans l'accord de son rival.
Juin, alerté, rentre précipitamment de Tunisie et tente,
avec le général Bouscat, de faire admettre à Giraud la nécessaire subordination
de l'armée au pouvoir civil. (Giraud ayant en fait transposé au sein du Comité
son commandement en chef civil et militaire).
Giraud s'entête dans son refus, et de Gaulle s'abstient
alors, pendant 6 jours, de participer aux activités du Comité.
Plus tard il y aura le retour de Charles de Gaulle . Le 15
juin, les commissaires de Londres étant arrivés, de Gaulle provoque une réunion
du comité des 14.
Giraud refuse que la question soit discutée et dénie
compétence du Comité en ce domaine, alors qu'il l'avait reconnue par ordonnance
du 3 juin.
Il y a une
intervention étrangère ouverte , Giraud et Georges font preuve d'une telle
intransigeance, parce qu’ils se sentent appuyés par tout le poids de la
puissance américaine:
- Le 16 juin, Murphy et Mac Millan convoquent les deux
présidents à une réunion proposée par le général Eisenhower sur le commandement
et l’organisation des forces armées françaises.
- Le 19 juin 43, les deux co-présidents viennent séparément,
et de Gaulle formule des réserves sur cette immixtion dans les affaires
intérieures françaises.
Selon Eisenhower, Giraud doit rester en place avec ses
attributions actuelles, et doit être seul à traiter de tous sujets militaires
en A.F.N. Faute de quoi, les livraisons
d'armes américaines seraient compromises.
De Gaulle répond que les armes données aux soldats français
seront utilisées dans l'intérêt commun de l'alliance, et que, en 14-18, la
France a fourni des armes aux Serbes, Russes, etc., sans s’attribuer en
contrepartie un droit de regard sur leur organisation interne, que le maintien
du statu quo retarde la fusion des forces françaises, et demande enfin au
généralissime, devant Giraud qui ne dit rien: « Vous qui êtes militaire,
croyez-vous que l'autorité d'un chef puisse subsister, si elle repose sur la
faveur d’une puissance étrangère? ».
De Gaulle conclut en disant qu'il transmettra la requête
américaine au Comité, mais refuserait d'en faire partie, si l'ultimatum était
accepté.
L'ultimatum américain est alors rejeté par le Comité, qui
donne à Giraud le choix entre:
- se soumettre aux décisions du C.F.L.N.;
- ou cesser d'en être membre et quitter son commandement.
Pour parer à l'objection du secret, de Gaulle propose la
création d'un Comité militaire composé des seuls commissaires et chefs
militaires directement intéressés.
Le statu quo étant maintenu :
- les vichystes pavoisent (Chambe à Oran)
- Roosevelt invite Giraud aux États Unis sans passer par le
Comité, comme pour confirmer l'intervention d'Eisenhower.
Le comportement de Giraud aux États-Unis :
- La coloration technique de la mission de Giraud en
affaiblit l’impact.
- Giraud fait relire certains de ses discours par des
représentants américains.
- Une faveur croissante est manifestée à de Gaulle par
l'opinion d'Amérique du Nord.
La prise en mains du Comité par de Gaulle, en l’absence
de Giraud :
En l'absence momentanée de Giraud, le CFLN délivré des conflits permanents prend
conscience de son potentiel d'unité et commence à faire rentrer dans le rang
les féodalités locales.
Le 26 juin, de Gaulle se rend à Tunis, où il est accueilli
par Mast et Lamine Bey. De Gaulle encourage Mast à limiter les mises en
accusation des indigènes qui ont collaboré, et invoque le 27 juin, « Notre Dame
la France » dans un discours prononcé à la cathédrale de Tunis
- Le 7 juillet: Le colonel des F.F.L. Billotte est nommé au secrétariat du Comité Militaire.
- Le 14 juillet 1943, une grande manifestation se tient au
Forum. C’est alors que de Gaulle demande à Murphy : « Ce sont là les 10 % de
Gaullistes que vous aviez comptés ? ».
- Au début d’août: de Gaulle visite le Maroc et le sultan.
- Mais il ne se rend pas enA.O.F., où Boisson s'est éliminé de lui-même.
Le renforcement de l’influence du Comité :
Le 4 juin 1943, l’insurrection éclate à la Guadeloupe, puis,
du 18 au 24 juin, à la Martinique.
L’amiral Robert est finalement contraint de se retirer, et
les Antilles rentrent dans la guerre.
Le 27 juillet 1943, de Gaulle affirme, à la suite de la
prise de pouvoir par le général Badoglio, le droit de la France à participer au
règlement de la question italienne.
En août, l’amiral Godfroy et sa flotte d’Alexandrie se
rallient à leur tour, lorsque Churchill menace de cesser le paiement des soldes
de ses équipages.
La prise par de Gaulle de la direction politique du
Comité et le retour de Giraud :
À son retour à Alger, le 3 aout 1943, Giraud se retrouve
dans un Comité plus uni et renforcé, alors qu'il s'imagine avoir renforcé sa
popularité dans l'opinion des 2 pays.
Il va donc faire figure au CFLN de
corps étranger. Sauf pour les affaires militaires, où il conserve la haute
main, mais où interviennent aussi le Comité militaire présidé par de Gaulle, ainsi
que le Secrétaire de ce Comité, le colonel Billotte.
Le transfert à de Gaulle du pouvoir gouvernemental :
Giraud accepte un décret du 4 aout 1943 réformant
l'organisation du Comité, croyant ainsi y fortifier son influence.
La Dyarchie y subsiste, mais sous la forme d’une
"présidence spécialisée" substituée à la "présidence
alternée" :
De Gaulle devient président chargé de l'Action
gouvernementale, tandis que Giraud est le président chargé du Commandement en
chef et de la direction des opérations militaires
À partir du jour où le général Giraud prendra le
Commandement effectif des forces en opérations, il cessera d'être président.
Donc de Gaulle voit reconnue sa suprématie dans toutes les
affaires non militaires, comme en matière de politique générale. - D’où la fin
de la stagnation administrative et de l’autonomie quasi-féodale des
territoires. Du même coup disparait la faculté, pour les administrations issues
de Vichy, de paralyser les mesures libérales.
- Le 26 août, le CFLN est
reconnu par les alliés, avec certaines restrictions de la part des États-Unis,
mais de façon plus large par l’Union Soviétique.
L’affaire de Corse :
La résistance corse, initialement coordonnée par le
capitaine Scamaroni des FFL, est reprise en
main, après sa capture par l'OVRA et son
suicide en février 1943, par les officiers de Giraud. Les résistants sur place
relèvent du Front national à dominante communiste, dont les chefs sont
Giovonni, Maillot, Vittori et de Peretti.
En décembre 42, le Commandement en chef français civil et
militaire y avait envoyé le commandant de Saulle, par le sous-marin Casabianca
du capitaine l'Herminier, puis, en avril 43, le commandant Colonna d'Istria,
qui y avait organisé des maquis en liaison avec la Royal Air Force, pour une
fois généreuse en armes.
Pourtant, lors de la réorganisation du CFLN en juin 43, Giraud ne parle de rien aux
autres membres du Comité.
Au début de septembre 1943, lorsque Giovonni vient en
mission par le sous-marin « Casabianca », pour préparer le soulèvement, il
demande à rencontrer de Gaulle et Philip. On lui répond alors qu'ils ne peuvent
le recevoir.
Il ne rencontre donc que Giraud, jusqu’au jour où celui-ci
invite par mégarde Philip au même déjeuner que Giovonni. C’est alors que ce
commissaire apprend l'affaire et en avertit de Gaulle.
De Gaulle bien qu’absent d'Alger écarte la proclamation en
Corse de l'état de siège et obtient la nomination du préfet Charles Luizet.
Le 9 septembre commence le soulèvement de la Corse, à
l'initiative des partisans corses, ensuite renforcés par l’assistance initiale
des goumiers transportés par le sous-marin Casabianca, puis du Bataillon de
Choc. L’opération menée principalement par les maquisards contre les Allemands
réussit.
Giraud se
voit féliciter le 10 octobre, par le CFLN, du succès de son opération, mais
aussi reprocher d'avoir tenu à l'écart les autres commissaires.
Dès lors, le Comité doit tenir compte d'une expérience dans
laquelle Giraud s'est substitué à lui, en utilisant sa double qualité de
président et de commandant en chef: Ses membres craignent qu'une situation
semblable se reproduise lors de la libération de la France continentale.
L'unification de la présidence et la subordination du
militaire au civil :
Une ordonnance du 2 octobre a unifié la présidence. Le
président est élu pour un an et rééligible.
Un décret sur la Défense nationale érige le Commissariat à
la Défense nationale en véritable commissariat et décide que le commandant en
chef est nommé par décret et commande les forces mises à sa disposition.
Pour les autres forces, il est inspecteur général. Il s’agît
d’un retour à la loi sur la Nation en temps de guerre, du 11 juillet 1938.
Les principes de recomposition :
C'est le 3 novembre 1943 que l'Assemblée consultative
provisoire tient sa séance inaugurale.
Le 6 novembre 1943, 3 jours après la réunion inaugurale de
l'Assemblée consultative, le Comité demande au Président de procéder à tous
changements dans sa composition, pour assurer:
1° La représentation et la collaboration de personnalités de
l'Assemblée Consultative,
2° L'unité et la cohésion du Comité,
3° La subordination du pouvoir militaire au pouvoir civil.
La recomposition du Comité :
Le 9 novembre, de Gaulle recompose le Comité, à l’image de
l’Assemblée consultative (voir ci-après), avec:
1° des représentants de la Résistance,
2° des représentants des partis politiques,
3° des techniciens.
Mais il n'obtint ni l'accord immédiat des communistes qui
voulurent d’abord désigner eux-mêmes leurs ministres, ni celui de l'épiscopat,
qui s'oppose à l'entrée au Comité de Mgr Hincky, évêque auxiliaire patriote de
Colmar.
En mars 1944, le CFLN atteindra
le stade définitif de son murissement interne, en intégrant les parlementaires
Billoux et Grenier (communistes), choisis par le général de Gaulle, et Giaccobi
(radical).
La mise au pas des services spéciaux :
Le rôle des services spéciaux est particulièrement important
pour la France dont la plus grande partie du territoire est sous occupation
ennemie. Ce sont en effet ces services qui permettent la liaison et l’action en
France occupée. Or le CFLN dispose
théoriquement, à cet effet, de deux services spéciaux : les services de la
France libre et les services giraudistes.
Le service spécial gaulliste :
Le service spécial de la France libre, ou « Bureau central
de renseignements et d'action » (BCRA) a établi dès 1940 des liaisons
clandestines avec la France, où il a créé ses propres réseaux.
À Londres, sa direction a été exercée par Jacques Soustelle
et il a compris 5 services :
1° La section Renseignements dirigée par le commandant Panier
2° La section Actions-Missions dirigée par le colonel Passy
et Pierre Brossolette
3° La section Courrier militaire dirigée par le colonel Remy
4° Le bureau de Coordination militaire dirigée par
Saint-Jacques
5° La section N.M. de Louis Vallon, puis du capitaine Jean
Pierre-Bloch, député de l'Aisne
Le service spécial « giraudiste » :
Les services spéciaux dits « Giraudistes » sont en réalité
les services de renseignements de Vichy, qui s'étaient consacrés davantage
avant novembre 1942 à la chasse aux résistants qu’à la lutte contre l’ennemi,
même si quelques-uns de ses hommes de base avaient d'abord camouflé des armes
en 1940, ou même, comme le lieutenant abbé Cordier, avaient aussi osé arrêter,
de leur propre chef, quelques agents allemands , le rapport du 26 décembre
1941, par lequel le colonel Rivet, alors chef du « Bureau des menées
antinationales » , s'y vante des nombreuses arrestations d'agents alliés et de
résistants opérées par ses services.
Ce service spécial comprend 4 services :
1° Le service de Renseignements du colonel Rivet
2° Le service du Contre-espionnage du commandant Paillole
3° Le service Action du colonel Clipet
4° Le service des Contrôles techniques dirigé par Albéric de
Maistre.
La tentative d’unification des services :
Une première tentative d’unification des deux services
spéciaux fut tentée en octobre 1943, par la nomination à leur tête du général
Cochet. Mais celui-ci ne disposa que d’un simple pouvoir de coordination, car
les anciens services vichystes communiquaient directement avec Giraud.
À partir du 9 novembre 1943, Emmanuel d’Astier, frère
d’Henri, et lui-même représentant du mouvement « Libération » à l’Assemblée
consultative, entra au CFLN, comme
commissaire à l’Intérieur, c'est-à-dire aux relations clandestine avec la
métropole.
Il nomma alors Jacques Soustelle, précédemment commissaire à
l’Information du Comité national de Londres, à la tête de la Direction générale
des services spéciaux (D.G.S.S.) qui
regroupait les 2 anciens services de Londres et d’Alger. Soustelle, archéologue
précolombien, avait réussi à implanter dans toute l’Amérique latine des Comités
de soutien à la France libre, qui y court-circuitaient les ambassades de
France, toutes attachées à Vichy. Ayant soutenu avant la guerre les républicains
espagnols, il avait une réputation d’«intellectuel de gauche». Il n’en était
pas moins recommandé par le colonel Passy, issu quant à lui de l’extrême
droite. Soustelle accepta cette fonction à condition que ses pouvoirs
hiérarchiques soient bien définis. Il divisa alors la DGSS
en deux bureaux :
- Le bureau de Renseignements et d’Action de Londres (BRAL), commandé par le colonel
Passy,
- Le bureau de Renseignements et d’Action d’Alger (BRAA), commandé par le colonel
Pélabon.
Pour autant, les services issus de Vichy continuèrent à
court-circuiter leurs supérieurs d’Alger. Quant à Giraud, toujours commandant
en chef, il refusa de prendre en considération le décret du CFLN et continua à donner ses ordres directement
aux colonels Rivet et Paillole.
Un nouveau décret du 21 janvier 44 rattacha alors la DGSS à la présidence du CFLN.
Or Giraud n’en poursuivit pas moins son obstruction, au point qu'aucun
compte-rendu ne parvenait à Soustelle. De Gaulle écrivit alors une lettre à
Giraud pour le raisonner. Mais sans résultat.
De guerre lasse, le Comité supprima alors le commandement en
chef, par un décret du 4 avril 1944, et nomma Giraud Inspecteur général de
l’armée, ce qu’il refusa.
Les cadres de son ex-armée le laissèrent alors partir sans
regret, car, après avoir perdu la sympathie des résistants, en défendant les
hommes et institutions de Vichy, il s’était déconsidéré aux yeux des chefs
vichystes de l’armée, mécontents de la faiblesse manifestée par lui au sein du CFLN, et de son attitude peu glorieuse dans
l’affaire Pucheu : Giraud avait en effet laissé venir ce ministre de
l’Intérieur de Vichy en Afrique du nord, en lui accordant un sauf-conduit.
Après quoi il l’avait interné. Par la suite, le CFLN
s’étant constitué et l’influence des patriotes s’y étant développée, Pucheu
était passé en jugement sous divers chefs d’accusation, dont celui d’avoir
manipulé les listes d’otages (en livrant de préférence à l’ennemi ses
adversaires politiques). Quoi qu'il en soit, au cours de ce procès, Giraud,
membre du CFLN cité comme témoin, n'avait
rien fait pour défendre l'accusé.
L’œuvre du CFLN fut en
grande partie réalisée par le Comité, qui disposait des pouvoirs législatif et
exécutifs, avec l’aide active de l’Assemblée consultative.
Rétablissement de la légalité républicaine :
Elle consistait d’abord en le rétablissement de la légalité
républicaine non seulement dans les textes, mais aussi dans les faits. Elle
comporta donc la réintégration des victimes de mesures d’exclusions, mais aussi
leur indemnisation d’une partie des préjudices causés.
Le décret Crémieux d'octobre 1870, qui avait attribué aux
juifs d’Algérie le statut de citoyens français, et que Pétain, puis Giraud,
avaient abrogé, fut rétabli le 20 octobre 1943. Quant aux circulaires de Giraud
et de Prioux qui écartaient ces mêmes juifs des unités combattantes, elles
furent révoquées, comme le réclamaient les intéressés qui voulaient combattre
au front comme tous les autres Français.
Une épuration administrative, fut par ailleurs opérée, selon
certains insuffisante, notamment dans l’armée.
Réformes importantes :
Le C.F.L.N. et
l'Assemblée consultative provisoire considéraient que leur mission était de
rétablir la légalité républicaine, de défendre la souveraineté française et de
préparer la libération. Mais ils ne se reconnaissaient pas le droit de tout
transformer: Les grandes réformes jugées indispensables par leurs membres
devaient être réservées au peuple français et à ses représentants élus,
aussitôt que le déroulement de la guerre leur permettrait de se prononcer librement
et démocratiquement. Rien n'empêchait néanmoins l'Assemblée consultative, en
attendant la libération, de donner son avis sur les projets de réforme qui lui
seraient présentés.
Par exception, certaines réformes importantes furent
cependant opérées par le CFLN car elles
allaient dans le sens de la démocratie. Ce fut le cas de l’extension du droit
de vote aux femmes, et de l’amélioration du sort des colonisés en Afrique noire
et en Algérie (Conférence de Brazzaville, et ordonnance du 7 mars 1944
attribuant la citoyenneté française, sans abandon de leur statut civil
religieux, aux quelques dizaines de milliers d'indigènes musulmans algériens
titulaires de diplômes ou de décorations).
Enfin la contribution française à la future libération fut
amplifiée par une assistance soutenue aux organisations de résistance et aux
actions de sabotage en territoire occupé.
De plus, une solution fut recherchée aux problèmes
financiers qui risqueraient de se poser à la libération. La solution forte
(échange des billets) préconisée par le commissaire aux Finances Mendès France
fut appliquée en Corse avec succès, mais rencontra l’opposition d’autres
membres du CFLN, parmi lesquels René Pleven,
qui trouvèrent ce type d’opération trop brutal.
Le 3 juin 1944, le C.F.L.N.
se proclama, à la demande de l’Assemblée consultative, « Gouvernement
provisoire de la République française » (G.P.R.F).
Le gouvernement provisoire fut reconnu comme tel par les grandes puissances
(Royaume-Uni, États-Unis, URSS, Canada) seulement le 23 octobre 1944.
Société coloniale :
Source internet.
Prise au moment où la France fête en grande pompe les cent
ans de sa présence en Algérie , cette photographie illustre , jusqu’à la
caricature , la distance qui sépare encore les habitants venus de métropole et
ceux qu’ils appellent les « indigènes »
, Algériens devenus pratiquement des étrangers sur leur propre terre. Trois
citadines vêtues avec élégance et trois autres femmes regardent la même scène ,
hors champ. Pourtant les spectatrices n’ont rien en commun : les
communautés se côtoient sans se mélanger , comme le prouve notamment le très
faible nombre de mariages mixtes. Dans cette rue d’Alger, les Européennes ont
le visage découvert tandis que les Algériennes ne peuvent distinguer le
spectacle qu’à travers le lourd voile qui les recouvre entièrement. Comme leurs
enfants, elles sont pauvrement vêtues et chaussées , quand elles ne marchent
pas pieds nus. Dans la cité largement européanisée – il n’y a qu’à voir les
volets et les fenêtres à l’arrière-plan – , les Algériens ont conservé quelques
quartiers et plus particulièrement l’ancienne ville arabe : le casbah.
C’est en partie là que s’installent les nouveaux habitants
poussés par la paupérisation qui gagne les campagnes depuis les années
1920-1930. La modernité économique et sociale a désintégré la société
traditionnelle algérienne et on observe une indéniable clochardisation de ceux
auxquels elle n’a pas offert suffisamment de possibilités d’intégration.
Mohammed Dib, poète et romancier algérien d’expression française , les décrit
migrants en famille , espérant laisser derrière eux la misère. Alger voit ainsi
la part de sa population algérienne gonfler. Ces nouveaux habitants y
découvrent un système colonial beaucoup mieux installé que dans le bled.
Certes , les colons français sont , au sens propre, censés
tirer leurs revenus et l’exploitation de la terre. Mais , en fait , les Français
d’Algérie sont majoritairement des urbains travaillant dans le secteur
tertiaire , des salariés ou des commerçants souvent modestes, loin des
« colons à cravache et à cigare », comme le souligne Albert Camus en
1955. Il n’en demeure pas moins que la colonisation de l’Algérie est passée par
une expropriation massive des Algériens. Cette violence économique , sociale et
culturelle est une blessure vive dans la société algérienne en 1954. Le texte
de Mohammed Dib en porte encore la marque : l’idéologie des «bienfaits de
la civilisation » française , appuyée sur le droit français – «la
Loi » – qui , ne reconnaissant pas
le droit foncier antérieur , a masqué une spoliation pure et simple. Des
justifications sont venues construire a posteriori une image des Algériens
« paresseux » , « incapables » , etc. , présentée en contraste
des réalisations de la France , à commencer par l’assainissement de la plaine
de la Mitidja qui constitue l’une des gloires de la colonisation française.
La majeure partie de l’économie de la plaine est liée au
vignoble , dont la production est exportée massivement comme une grande partie
du produit de l’agriculture aux mains des Européens. La concentration des
terres est nette : en 1958 , 27% de la SAU (surfaceagricole utile) est occupée par 22 000 exploitations agricoles
européennes , le reste appartenant à 621 000 propriétaires algériens. En
revanche , ce sont surtout des Algériens qui constituent la main d’œuvre
nombreuse , saisonnière ou journalière , exigée par les travaux des champs
comme le vignoble. Les relations qu’entretiennent le colon – il s’agit plus
souvent d’un contre-maître etant donnée la taille des exploitations – et ses
ouvriers sont souvent empreintes d’un paternalisme qui n’exclut pas la peur et
la menace pesant sur ceux qui doivent demeurer soumis à l’ordre en place qu’il
soit social , économique ou politique.
Conclusion :
Pour des droits communs à tous, Ferhat Abbas étant l'acteur principal du manifeste Algérien a ainsi développer ses volontés à travers cet écrit. Ensuite , il y a eu également un comité français nationale de libération qui a consisté à fusionner les deux autorités françaises participant à la guerre avec les Alliés , afin d'unifier l'effort de guerre français et de préparer la Libération . La société coloniale quand à elle a séparée la population par des inégalités, les algériens sont devenus pratiquement des étrangers sur leur propre terre et les communautés se côtoient sans se mélanger.
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